26
Dans la conscience on trouve la structure, les formes du conscient, la beauté.
Kerro Panille
« Traductions de l’Avata »
dans Les Historiques.
Béatriz écoutait le responsable du lancement égrener au micro la dernière minute du compte à rebours. Ses doigts tremblants entrechoquèrent les boucles de métal tandis qu’elle fixait son harnais. Elle essaya d’imaginer que les sangles qui la retenaient étaient les bras de Mack et qu’ils la serraient de la même manière que ceux de Ben, la nuit où Vashon avait été envoyée par le fond. Mais cela ne marchait pas. Rien ne pouvait effacer de sa mémoire le spectacle de son équipe massacrée comme des chébettes à l’abattoir.
Et tout cela à cause d’une simple méprise. Ils sont tous morts parce que ce salaud s’est trompé.
Elle savait que le capitaine avait peur. Elle avait senti sur lui l’odeur de sa peur avant qu’il ne donne l’ordre final au studio. Visiblement, il ignorait si Flatterie récompenserait sa décision par une promotion ou une exécution. Béatriz savait aussi que sa propre vie, comme sans doute de nombreuses autres, était dans la même balance.
— Lancement dans dix secondes…
Elle prit une longue et profonde inspiration par la bouche puis expira lentement par les narines. C’était une technique de relaxation que Rico lui avait apprise quand ils avaient tous failli se noyer, cinq ans auparavant.
— Cinq, quatre…
Elle prit une petite inspiration.
— Un…
L’« ascenseur » à air comprimé les propulsa à l’intérieur du tube de lancement, puis deux puissantes tuyères Atkinson les emportèrent vers leur orbite. C’était la partie du voyage qu’elle détestait le plus. Cela lui rappelait immanquablement le jour où cette grosse fille s’était assise sur sa poitrine, quand elle commençait tout juste à fréquenter l’école. Elle détestait surtout cette impression que son visage s’aplatissait sous la poussée. Mais aujourd’hui, ce n’étaient pas les rides, ni les possibilités de défaillance des tuyères, ni la peur de rester prisonnière en orbite qui occupaient ses pensées. C’était le capitaine Brood et la manière dont elle pourrait s’y prendre pour essayer de le convaincre de la nécessité de la maintenir en vie.
Elle ne reconnaissait aucun visage, dans la cabine de la navette. La plupart des autres passagers avaient troqué leurs uniformes contre des habits civils. Ils étaient anormalement silencieux, et Béatriz savait qu’ils devaient méditer sur les conséquences de la tuerie. Elle n’avait même pas vu le visage de celui qui avait tiré le premier. C’était celui qui était le plus à craindre, encore plus que le capitaine. Ben avait toujours dit qu’il fallait se méfier de ceux qui étaient à cran, qu’ils finissaient toujours par commettre une bêtise fatale.
Comment pouvait-il avoir raison à ce point et être si loin de moi ?
Elle frotta son visage las et se tapota les joues pour tenir l’hystérie à distance. Elle avait avant tout besoin d’informations, et en grand nombre.
Mack… Il m’aidera, j’en suis sûre.
Un instant, elle l’avait inclus dans ses craintes. Mais, après tout, ne faisait-il pas partie de l’équipage d’origine, comme Flatterie ? N’avaient-ils pas travaillé ensemble longtemps avant de sortir d’hybernation sur Pandore ?
Et si… et si…
Elle secoua ses craintes. Si son imagination devait s’envoler avec elle, autant qu’elle fasse de Mack un ami plutôt qu’un ennemi. Mack n’était pas du tout semblable à Flatterie. De cela, elle était absolument sûre. Il avait même frémi quand il avait appris que Flatterie avait transformé Alyssa Marsh en Noyau psycho-organique.
— Je n’ai jamais réellement cru que nous avions besoin d’une telle chose, lui avait-il avoué en privé. Aujourd’hui, avec l’expérience de nos recherches sur le varech, je suis encore plus convaincu que les N.P.O. n’étaient qu’une frustration volontaire qui s’ajoutait aux autres, un aiguillon conçu pour nous éloigner encore plus de l’humanité.
À en croire les rapports – et principalement ceux de Flatterie –, Alyssa Marsh avait été ramenée, à la suite d’un accident au milieu du varech, alors qu’elle se trouvait déjà à l’article de la mort. Mack lui avait expliqué que les clones étaient considérés comme des biens d’équipement, souvent même comme de simples réserves de pièces de rechange, et que Marsh avait été préparée à ce sort depuis sa plus tendre enfance. Mais Béatriz avait une meilleure idée, aujourd’hui, de la part de hasard qui avait présidé à l’intervention de Flatterie et mis un terme à la carrière de l’infortunée Alyssa Marsh et de ses recherches sur le varech en compagnie de Nano Macintosh.
Quelle va être la réaction de Mack ?
Il exigerait, lui aussi, des informations complémentaires. Combien de membres dans ce commando ? Comment sont-ils armés ? Ont-ils un plan d’action, ou s’agit-il seulement d’une réaction aux émeutes côté surface ? Elle ne se souvenait même plus du nombre exact de travailleurs employés sur la station orbitale. Deux mille ? Trois mille ? Et combien d’agents de la sécurité parmi eux ?
Pas beaucoup, estimait-elle. Juste une poignée, pour empêcher les bagarres et les menus larcins parmi les travailleurs.
Elle avait compté trente-deux hommes dans le groupe du capitaine quand ils étaient montés à bord de la navette. Chacun d’eux était armé jusqu’aux dents. Huit avaient été désignés pour remplacer l’équipe holo et ils n’étaient pas contents du surcroît de travail. Ils avaient tous sur leurs figures les vieux stigmates des mutations habituelles. L’équipement qu’ils avaient chargé à bord comportait surtout des armes, mais quelques-uns d’entre eux s’y connaissaient suffisamment en technique de diffusion holo pour avoir embarqué le minimum permettant d’assurer la production du journal. Deux autres techs, par ailleurs, avaient pour charge de veiller sur le N.P.O.
Béatriz avait à peu près réussi à maîtriser ses tremblements. Bien sanglée dans son fauteuil, elle s’était presque accordé un répit.
Non ! se ressaisit-elle. Il faut tenir bon. Morte, je ne pourrai plus aider personne. Je suis la seule à pouvoir témoigner contre eux.
Elle espérait que la bande du pupitre de contrôle avait survécu dans le studio et que quelqu’un de bien disposé la retrouverait.
Mais même s’il la montre, qui sera en mesure d’intervenir ? Flatterie ?
Elle émit un sourd grognement en guise de rire intérieur. Au même moment, elle sentit la main du capitaine qui se posait sur son épaule. C’était une poigne ferme, ni douloureuse ni amicale, qui lui rappela celle de son père le soir de sa mort et qui devint plus légère, elle aussi, au moment où les réacteurs furent coupés. Cet homme avait à peu près le même âge que le frère cadet de Béatriz, mais il y avait dans ses yeux noirs quelque chose qui évoquait l’infini. Quelque chose qui était loin d’être de la sagesse.
— Je sais ce que vous pensez, dit-il. J’ai déjà fait des centaines de prisonniers et j’ai été moi-même un prisonnier. Croyez-moi, je sais ce que vous éprouvez.
Il fit signe au garde qui se trouvait à côté d’elle de s’éloigner et, avec un manque d’agilité surprenant sous une gravité zéro, s’avança pour s’asseoir à côté d’elle. Il avait une voix rocailleuse, tendue à l’extrême, comme épuisée d’avoir longtemps crié. Il continua de lui parler tandis que ses hommes, un à un, s’écartaient hors de portée d’oreille, échangeant peu de mots et quelques rares regards furtifs.
— Nous sommes tous les deux dans de mauvais draps, lui dit-il, et nous avons besoin d’en sortir.
Elle ne pouvait que lui donner raison.
— Là-haut, poursuivit-il, ce sera tout ou rien. Nous sommes pris au piège. Il n’existe aucune issue, pour l’un de nous deux, qui ne demande la coopération de l’autre.
Là aussi, elle était obligée d’approuver.
Mais ce n’est que provisoire, se disait-elle. Uniquement en attendant que je retrouve Mack.
Elle se rendait compte que, malgré l’écœurement que cela lui causait, sa vie dépendait de la manière dont elle saurait communiquer avec cet homme.
— Vous êtes un militaire, un officier, dit-elle. Comment se fait-il que vous vous soyez mouillé à ce point ? Je ne crois pas que vous l’auriez fait de manière spontanée. Cela doit faire partie d’un plan et nous… je ne suis qu’un pion sur…
— Ça alors, vous savez percevoir les choses, vous !
Les mots étaient sortis d’un jet, les yeux du capitaine étaient devenus luisants.
— Nous ne pouvons que gagner, dit-il. Flatterie est fini. La nef spatiale et l’Orbiteur sont entre nos mains. Il y a à bord assez de vivres pour des années. Nous dirigeons leurs courants et leur météo. En outre, le précieux Noyau psycho-organique de Flatterie est à nous… Merde, ça signifie que nous pouvons le raccorder nous-mêmes à la nef et nous envoler d’ici…
Elle n’entendit pas le reste. Son esprit se concentrait sur ce qu’il avait dit au début. « Assez de vivres pour des années. »
À condition qu’il massacre tout le monde sur l’Orbiteur.
— Il faudra bien qu’il cède, était en train de dire le capitaine. Il a toute la populace sur le dos, en bas, et il n’osera rien faire pour détruire ce qu’il a eu tant de mal à édifier là-haut. Celui qui prendra sa place côté surface pourra toujours traiter avec moi.
Il va vraiment le faire, se disait Béatriz. Il a vraiment l’intention de massacrer tout le monde à bord.
Il lui prit la main et elle se dégagea brutalement, avec un dégoût qu’elle était incapable de cacher.
— Avec nous, dit-il. Je voulais dire qu’il pourra traiter avec nous. Vous et moi. Ceux d’en bas croiront tout ce que vous leur raconterez, tout au moins les premiers temps.
Il se pencha vers elle pour chuchoter :
— Vous ne voudriez pas commettre une nouvelle erreur, qui coûterait la vie à beaucoup de monde, cette fois…
Elle se propulsa hors de son siège, sans se soucier de savoir où elle allait se retrouver dans l’apesanteur de la cabine. Personne ne chercha à la rattraper. La première poignée à laquelle elle se raccrocha l’immobilisa à côté de deux hommes de la sécurité, encore plus jeunes que leur capitaine, qui étaient en train de réviser les bases de la technique de triangulation holo.
Ils ont vraiment l’intention de réaliser ce journal, se dit-elle.
Elle reporta son regard sur le capitaine. Le dos tourné, il était en train de donner des instructions à un groupe d’hommes de son commando. Le ton de sa voix et la vivacité de ses gestes disaient qu’il ne plaisantait pas. Il était exact qu’il pouvait se passer d’elle pour arriver à ses fins. Et il était non moins exact qu’en l’aidant, elle avait des chances de sauver quelques vies. Mais elle ne pouvait se résoudre à lui parler, à faire un pas vers lui de quelque manière que ce fût. Elle soupira et interrompit la conversation de ses deux nouveaux opérateurs.
— Non, leur dit-elle. En la disposant ainsi, l’unité alpha n’effectue qu’un pano de quinze degrés. C’est bon pour un lancement, mais nous serons en intérieur, dans un espace restreint.
Tandis qu’elle donnait des instructions aux deux amateurs, elle vit Brood qui l’observait. Il lui fit un clin d’œil, et elle réussit à réprimer le haut-le-corps qui menaçait de s’emparer d’elle.
— Ils voudront voir ce Noyau psycho-organique pendant le transport et apprendre des choses sur la manière dont il… dont elle est arrivée là. Commençons par mettre ça dans la boîte.
Elle passa les deux heures du voyage à mettre les trois opérateurs, deux hommes et une femme, au courant. Elle n’avait pas le souvenir d’avoir vu leurs visages lors du massacre dans les studios de la station de lancement. Et elle préférait leur compagnie, même s’ils étaient aux ordres du capitaine Brood. Que la chose fût due au hasard ou à une volonté délibérée, elle n’avait pas revu un seul membre du commando durant tout le voyage.
Le Noyau psycho-organique était un cerveau vivant maintenu dans un récipient complexe de verre au plasma qui permettait tous les raccordements ultérieurs. Un module de liaison perfectionné relierait plus tard le cerveau au système central de la nef spatiale. Mais Béatriz fut surtout horrifiée par une chose à laquelle elle ne s’attendait pas.
Ils sont toujours reliés à des… corps humains !
Elle avait fait un reportage, plusieurs années auparavant, sur cette question. Les spécialistes avaient relié le cerveau d’un corps endommagé au corps intact d’une personne qui avait subi des dommages crâniens irréparables. Chacun se maintenait en vie grâce à l’autre, bien qu’il n’y eût aucun moyen de communiquer avec le cerveau intact. À cette époque, il était simplement enfermé là, coupé de toute sensation, perdu dans un rêve, mais bien vivant.
Elle prit une profonde inspiration et laissa la journaliste en elle prendre la relève. Le méditech qu’elle était en train d’interviewer avait un certain nombre de tics faciaux dont chacune de ses questions semblait accélérer le rythme. Mais elle n’apprenait rien ici sur la technique qu’elle n’eût déjà étudié au cours de ses recherches préliminaires ou par l’intermédiaire de Nano Macintosh.
— Comme vous le savez sans doute, c’est à cause d’une défaillance des N.P.O. que nous avons tous échoué sur Pandore, était en train de dire le méditech.
— J’ai cru comprendre que les N.P.O. étaient habituellement prélevés sur des nouveau-nés présentant une lésion fatale, dit-elle. Mais celui-ci provient d’un adulte. En quoi cela rendra-t-il l’opération différente ?
— Il y a deux aspects. Tout d’abord, cette personne était sur le point de mourir au moment du transfert. Par conséquent, elle… son cerveau… devrait nous être reconnaissant d’avoir prolongé sa vie en lui permettant d’accomplir une tâche utile et… noble. Le deuxième aspect, non négligeable, est qu’il s’agit de l’une des personnes qui ont survécu à la plus longue hybernation de l’histoire de l’humanité pour reprendre conscience sur Pandore. Elle sait, par conséquent, que si les humains veulent survivre, il faut qu’ils cherchent ailleurs. Et elle tirera gloire et réconfort de devenir un instrument de cette survie.
— Elle est donc consciente de toutes ces choses ? Le méditech prit un air perplexe.
— Une grande partie de ces informations étaient contenues dans sa formation de base. Quant au reste, nous ne pouvons qu’extrapoler à partir des éléments que nous connaissons…
— Quel genre de personne était-elle ?
— Que voulez-vous dire ?
Les tics du tech s’étaient, cette fois-ci, accélérés à un point plutôt gênant.
— Vous venez de nous dire, substantiellement, qu’elle acceptera de bon gré cette tâche par amour de l’humanité. Quel rôle a joué l’amour dans sa vie ? A-t-elle aimé un homme ? des enfants ?
L’équipe d’opérateurs commençait à prendre goût à la tâche. Ils n’avaient pas pu apporter de moniteur par manque de place, mais elle le regrettait maintenant. Il y avait des chances pour que ce ne soit pas trop mauvais, en fin de compte.
Tout en contemplant le cerveau dans sa cage de verre, Béatriz savait qu’il s’agissait d’une créature vivante, d’une personne. Elle savait également que le méditech qui lui parlait était entouré par le commando qui avait massacré son équipe et qu’il n’avait probablement pas la moindre idée de ce qui s’était passé.
Personne ne saura rien si je ne parle pas. Je suis comme ce cerveau, coupé de tout mais vivant. Je me demande ce qu’elle rêve.
— Je sais très peu de chose sur la vie de cette personne, répondit le méditech. Tout cela est dans son dossier. Je sais, par exemple, qu’elle avait un enfant qu’une famille a adopté pour qu’elle puisse aller poursuivre ses études sur le varech dans les avant-postes.
— Le docteur Macintosh a déclaré, il y a deux ans, que les Noyaux psycho-organiques étaient mal dégrossis, cruels, inefficaces et inutiles. Quel est votre commentaire là-dessus ?
Le méditech se racla la gorge.
— J’ai beaucoup de respect pour le docteur Macintosh. Avec le Directeur et le N.P.O. qui est devant nous, il fait partie des derniers survivants de l’équipage original du Terra. Ou « Nef », si vous préférez. Il est vrai qu’il y a eu des défaillances dans le passé, et que des aménagements ont été nécessaires, mais toutes les erreurs ont été corrigées et…
— Ce terme d’« aménagements » risque de paraître un peu froid à certains de ceux qui suivent cette émission. Je suppose qu’il se réfère à la création, pour la première fois dans l’histoire, d’une intelligence artificielle – une intelligence qui s’est montrée plus maligne que ses créateurs et en qui beaucoup de Pandoriens voient un dieu qu’ils vénèrent encore aujourd’hui sous le nom de « Nef ». Mais ce que je voudrais savoir, c’est pourquoi vos chercheurs ont préféré la voie pavée d’erreurs des N.P.O., qui consiste à séparer des cerveaux vivants de leur corps, plutôt que de reprendre les anciens travaux sur l’intelligence artificielle.
— Nous avons reçu des directives pour orienter nos recherches dans…
— Vous avez reçu des ordres ! Et pour quelle raison ? Pourquoi le Directeur se sent-il plus à l’aise quand il essuie des échecs que dans un domaine qui a fait ses preuves en lui sauvant la vie, et à… elle aussi ?
Béatriz venait de pointer l’index en direction du N.P.O. aveugle, sourd et muet dans sa cage vitrée à côté du corps tout chaud de son hôte mort.
— Ça suffit comme ça !
La voix du capitaine, derrière elle, lui glaça la colonne vertébrale et déclencha un nouveau tremblement de ses mains. Une fois de plus, elle se sentit dans l’incapacité d’ouvrir la bouche tandis que le méditech et l’équipe technique gardaient les yeux rivés sur leurs chaussures.
— Nous parlerons dans la cabine.
Elle suivit le capitaine, dans la soute encombrée de la navette, jusqu’à la cabine mal éclairée qu’on lui avait attribuée.
— Il fallait que je vous arrête, lui dit-il. C’est ce que l’on attend de moi, indépendamment de mes opinions. Bientôt, le mensonge ne sera plus nécessaire. Soyez prête pour l’accostage. Vous recevrez de nouveaux documents pour votre prochain journal dès que nous serons sur l’Orbiteur.
Trois gardes de la sécurité attendaient au poste d’accostage lorsque la porte étanche de la navette s’ouvrit. Ils étaient prêts à voir sortir la presse et les caméras de l’holovision, mais pas le capitaine Brood. Celui-ci attendit sur le seuil, à côté de Béatriz.
— Il y a trois hommes dehors, lui dit-il d’une voix étonnamment douce tandis que ses yeux brillaient d’un éclat qu’elle avait déjà vu et qui captait son propre regard malgré les efforts qu’elle faisait pour détourner les yeux. Choisissez l’un d’eux pour votre usage personnel. Pour vous… amuser.
Elle demeura déconcertée par cette proposition et par son calme désarmant. En même temps, elle sentit comme un picotement dans la nuque, le même que celui qu’elle avait déjà éprouvé côté surface avant que la tuerie commence.
— Vous n’en voulez aucun ? fit mine de s’étonner Brood. Tant pis pour vous.
Il la tira brusquement vers lui en faisant signe aux hommes qui étaient derrière lui de faire feu. En quelques secondes, environ le quart des forces de sécurité symboliques de l’Orbiteur se retrouva étendu mort sur le pont.
— Faites-les disparaître par le sas de la navette, ordonna le capitaine Brood à ses hommes. Si vous tuez quelqu’un dans une salle, tuez tous ceux qui étaient présents. Et je ne veux pas voir un seul cadavre. Béatriz annoncera qu’il y a une mutinerie en cours à bord de l’Orbiteur et de la nef spatiale. On nous a envoyés pour reprendre la situation en main.
— Pourquoi me faites-vous ça ? fit Béatriz d’une voix sifflante. Pourquoi me dites-vous que j’ai le choix alors que je ne l’ai pas ? Vous aviez l’intention de les tuer de toute manière, mais il a fallu que vous me fassiez entrer dans…
Il agita la main pour la faire taire, en un geste qu’elle avait pris depuis longtemps l’habitude d’associer à Flatterie.
— Simple diversion, dit-il. Cela fait partie du jeu. Mais voyez comme cela vous rend déjà plus forte. Cela m’amuse et cela vous fortifie.
— C’est une torture pour moi. Je n’ai aucun désir de devenir plus forte. Je ne veux pas que les gens meurent.
— Tout le monde doit mourir un jour, dit-il en faisant signe à ses hommes de s’avancer. Ce qui est dommage, c’est quand la mort de quelqu’un ne profite à personne.